L'aMOUR AVEC UN A MINUSCULE,
L'aMOUR QUI S'ACHÈTE,
POST SAINT-VALENTIN.
Ils étaient deux. Ils étaient beaux. Mais ils ne se connaissaient pas.
Thomas ouvre les yeux le premier, il ne sait pas trop ce qu'il fait là. A vrai dire, il n'avait absolument pas prévu de passer la nuit ici, pour ainsi dire, il pensait simplement passer quelques heures avec un autre homme, dont il ne connaissait rien, tirer son coup, puis s'en aller. La passion et l'amour n'avaient jamais eu leur place là-dedans. Ni pour lui, ni pour Adrien, toujours endormi, à ses côtés.
Il se redresse légèrement, essaye de ne pas faire de bruit. Il regarde le beau garçon encore plongé dans les doux bras de Morphée. Il le sait, chaque seconde de plus à attendre dans ce lit le rapproche d'une situation qu'il se refuse de vivre, celle d'un réveil amoureux, bercé de câlins. Il n'est pas très amour, Thomas. L'amour l'a beaucoup déçu, énormément, pour ainsi dire, il n'y croit plus, pas une seule seconde.
Alors il s'extirpe le plus discrètement possible. Il est nu, ses vêtements sont éparpillés ça et là dans la chambre. Il fait sombre. A peine il discerne les murs de la pièce tant la lumière filtrée par les volets est faible. Il enfile son pantalon, enfile un tee-shirt, et remet ses chaussettes de la veille. Pour éviter de ne réveiller son amant d'un soir, il tient ses chaussures dans sa main.
Il s'extirpe jusqu'à la porte de la chambre, s'apprête à l'ouvrir, lorsqu'il entend du bruit derrière lui. Il s'arrête, attend quelque secondes, puis se retourne lentement.
Adrien le regarde, les yeux légèrement entrouverts, avec un petit sourire au creux des lèvres. En fait, de là où il se trouve, Thomas ne parvient pas à voir le sourire, mais il arrive à le sentir lorsqu'Adrien commence à parler. C'est sûrement une des caractéristiques les plus notables d'Adrien, son sourire
s'entend. Sa voix chante lorsqu'il est heureux, et sa beauté n'en est que plus frappante.
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Tu t'en vas déjà, prince charmant ?
Presqu'immédiatement, Thomas comprend qu'il ne peut plus fuir. Il a trop attendu. Il repose ses chaussures sur le sol.
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On est le quinze, commence-t-il à voix basse,
la saint-Valentin est terminée. C'était ce qu'on avait convenu, non ?
Passer le soir du quatorze février avec le parfait inconnu, pour se donner l'illusion de ne pas être seul. Une sacrée ironie, quand on y pense et qu'on prend un peu de recule.
Thomas et Adrien se sont rencontrés sur une application de rencontre. Physiques attrayants, messages accrocheurs, les deux garçons ont su se montrer l'un à l'autre ce qu'ils désiraient. Et c'est le soir de la saint-Valentin que leur rencontre s'est faite et leur relation s'est enracinée.
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Techniquement, oui, répond Adrien encore à moitié endormi,
mais j'ai bien envie que tu restes encore un peu.
Adrien se relève doucement de sur son lit. Il regarde Thomas avec attention, essayant de scruter les moindres détails que la pénombre laisse s'échapper. Thomas, lui, ne bouge pas, il hésite. S'en suit d'un long silence ou les deux garçons se redécouvrent, loin de l'euphorie de l'instant, loin des plans initiaux. Il ne reste qu'eux. Eux, et des sentiments bancals et perturbés.
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Thomas, souffle Adrien doucement,
j'ai vraiment passé une bonne soirée avec toi, alors s'il te plait, ne pars pas maintenant.
Comme pour lier le geste à la parole, il tend sa main en direction du garçon. Elle reste d'abord suspendue dans le vide, comme une bouteille à la mer, puis elle trouve son chemin, et la main de Thomas vient se lover contre la sienne, l'entrainant ensuite sur le lit, blottissant leur corps l'un contre l'autre.
Thomas ne sait plus trop ce qu'il fait, ni ce qu'il doit faire. Il n'avait prévu rien de cela, mais le fait est qu'il s'est laissé prendre à son propre jeu. Il ne connait pas Adrien, pire, il l'a rencontré de ça trois jours, et sur une application mobile pour jeunes en soif de sexe. Leur soirée de la veille n'avait pas d'avenir, aucun lendemain, pas même une once de potentiel. Mais il doit reconnaître qu'il a passé une excellente soirée. Que ...
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Tout avait l'air d'être scénarisé, j'ai l'impression de te connaître depuis toujours.
Thomas n'en revient pas, il regarde Adrien comme s'il s'agissait d'un alien. Il aimerait se dire qu'il se trompe, mais il ne se trompe pas : lui aussi a vécu une des plus belles soirées amoureuses de sa vie.
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Et alors, qu'est-ce que tu veux, maintenant ? demande-t-il, porté par ses propres peurs.
Adrien, sur de lui, affirme alors :
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Simplement voir ou tout ça pourrait nous emmener, tu ne penses pas que ça en vaille la peine ?
Plus que jamais auparavant, la veille, Thomas s'était livré. Il avait partagé des moments précieux de son intimité et sa vie, il avait ouvert des portes qui étaient fermées depuis très longtemps, et il ne le regrettait pas. Il voulait même continuer de partager son passé, sa vie, ses angoisses et ses peurs. Et il voulait en apprendre d'avantage sur Adrien.
Alors peut-être qu'il n'était pas venu pour ça, peut-être même pensait-il s'envoler et disparaître pour toujours une fois leur nuit terminée. Mais finalement, il semblerait que tout ne se contrôle pas.
Et alors que Thomas et Adrien se trouvaient dans le même lit ayant abrité leurs ébats anodins, Thomas cède à la tentation d'une relation pas si anodine que ça.
Les visages des deux garçons se rapprochent alors, leur nez se frottent l'un contre l'autre, en signe d'affection, de protection, et pourquoi pas même d'amour ? Ni l'un ni l'autre ne sait ou ils vont, rien ne les assure de ne pas foncer dans un mur, mais rien ne peut leur prouver qu'ils n'ont pas une occasion à saisir, une vraie carte à jouer dans cette relation.
L'Amour avec un grand A peut se trouver n'importe ou, dans les moments les plus inopportuns, les moins attendus, avec des personnes qu'on ne soupçonne même pas.
Les lèvres des deux hommes se rapprochent, s'effleurent, se touchent. Et lorsqu'ils partagent un baiser délicat et matinal, Thomas se contente de dire à voix basse :
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Alors voyons ou ça nous emmène.
Parce qu'il reprend un peu d'espoir là ou il n'en avait plus.